Le Livret A, ce compagnon de l’épargne populaire depuis 1818, est détourné de sa vocation première : le logement social et la transition énergétique. En effet, le gouvernement a décidé, par amendement glissé dans le PLF 2024, d’autoriser le financement de l’industrie de l’armement via cette manne de plus 405 milliards d’euros.
Pourtant, à l’origine, ce produit d’épargne réglementée avait pour objectif de collecter l’argent du plus grand nombre afin d’améliorer les conditions de logement des citoyens. Mais la donne a changé : main basse sur cette épargne de précaution, l’exécutif compte désormais s’appuyer sur ces fonds pour doper un secteur controversé, celui des armements.
Quid de la dimension sociale et solidaire du Livret A si l’argent collecté sert à produire des instruments de mort et à renflouer les caisses déjà bien remplies des marchands d’armes ? C’est un non-sens éthique autant qu’un coup porté à la confiance des épargnants. Comment justifier que leurs maigres économies servent à financer les profits de l’industrie militaire ?
Certes, le gouvernement argue de la nécessité de consolider notre indépendance et notre souveraineté en soutenant les PME françaises de l’armement. Mais est-il judicieux de le faire via le détournement d’une épargne populaire qui n’a pas vocation à s’inscrire dans une logique guerrière ?
Quid également des éventuelles retombées négatives en termes d’image pour les détenteurs du Livret A ? Beaucoup n’aspirent pas à voir leur argent abonder le secteur de l’armement, quand bien même il s’agit d’entreprises françaises. Ces citoyens-épargnants n’ont pas à être embarqués malgré eux dans le soutien à l’effort de guerre, fusse-t-il défensif.
Transformer le Livret A en une tirelire géante au service de l’industrie de mort est hautement problématique. Cela revient à travestir le sens même de ce produit d’épargne populaire dont la philosophie originelle était à des années-lumière du complexe militaro-industriel.