Esclavage : Les Cadavres dans le Placard de la Monarchie Britannique

Écouter l'article

Une récente enquête de l’agence de presse Reuters a mis au jour un lien ancestral unissant deux des plus éminentes personnalités politiques britanniques – le Roi Charles III et le ministre des Finances Jeremy Hunt – à une richissime famille ayant fait son argent grâce à la traite négrière au 18ème siècle.

George Smith, le banquier et député dont ils sont les lointains descendants, possédait ainsi plusieurs plantations en Jamaïque employant des centaines d’esclaves africains. Comme beaucoup dans les élites britanniques de l’époque, Smith était un propriétaire absentéiste, laissant à des régisseurs le soin de surveiller de loin ses intérêts tout en menant grand train dans ses somptueuses demeures anglaises.

Les archives montrent également que la banque Smith entretenait des liens étroits avec les marchands et propriétaires d’esclaves, finançant et tirant profit de toutes les étapes de cette sinistre économie, de la traite à la production de coton dans les plantations américaines.

Loin d’être un cas isolé, l’exemple de George Smith illustre combien les élites politiques et économiques britanniques étaient intimement et unanimement complices de l’esclavage et de la déportation de masse d’Africains.

La famille royale elle-même encouragea activement la traite négrière en octroyant aux compagnies des chartes commerciales exclusives. La City de Londres joua un rôle central dans le financement des expéditions et le commerce des denrées produites par les esclaves. Les industriels du Nord prospérèrent en transformant le coton en étoffes. L’enquête de Reuters révèle les mêmes liens héréditaires unissant l’esclavage aux ancêtres de plusieurs ministres du gouvernement conservateur Sunak.

Contrairement aux États-Unis où l’esclavage était répandu, moins de 1% des familles britanniques possédaient des esclaves au 19ème siècle. Cela explique sans doute pourquoi l’opinion publique reste aujourd’hui partagée sur la question.

Mais aux Caraïbes, d’où furent arrachés plus d’un million d’Africains sous le joug britannique, les appels à des excuses et des réparations se font de plus en plus pressants. Le gouvernement conservateur actuel les a pour l’instant rejetés, invoquant la nécessité de ne pas «réécrire l’histoire».

Pourtant, en mettant au jour le rôle central joué par la Grande-Bretagne dans l’économie esclavagiste atlantique et l’enrichissement personnel qui en découla pour tant de familles de la noblesse terrienne à la haute finance, le récit de Reuters jette une lumière crue sur un pan douloureux du passé que le pays commence tout juste à regarder en face.

Certains universitaires et responsables politiques conservateurs se sont insurgés contre ces efforts visant à explorer comment des personnalités et institutions ont bénéficié de l’esclavage, Boris Johnson lui-même ayant récemment vitupéré contre la démolition de statues liées à la traite négrière.

Le premier ministre Rishi Sunak a également rejeté les appels caribéens à présenter des excuses, arguant que «démêler notre histoire n’est pas la bonne voie à suivre».

Pourtant, le maire de Kingston Delroy Williams estime que «ressentir de la culpabilité pour un tort universel serait une erreur» et réclame des compensations de la part du Royaume-Uni pour pallier aux conséquences dévastatrices laissées par des siècles d’esclavage.

En révélant le rôle fondamental de la Grande-Bretagne dans l’asservissement de millions d’Africains et l’enrichissement qui en a découlé, l’enquête de Reuters met ainsi en lumière un passé douloureux que le pays est encore loin d’avoir pleinement reconnu, comme en attestent les vives polémiques qu’elle a déjà suscitées.

https://www.reuters.com/investigates/special-report/usa-slavery-britain/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.