L’irruption d’Ashley, le chatbot doté d’intelligence artificielle, dans la campagne électorale de la candidate Shamaine Daniels en Pennsylvanie marque un tournant inédit dans l’instrumentalisation de technologies controversées à des fins politiques. Loin d’être anodin, le déploiement de ce robot conversationnel ultra-sophistiqué pose de sérieuses questions éthiques et met en lumière les lacunes du cadre légal actuel.
Présenté par la start-up Civox comme un “volontaire virtuel”, Ashley est programmé pour discuter de façon personnalisée avec les électeurs au nom de la candidate démocrate. À travers un échange vocal soi-disant naturel, ce logiciel fait campagne pour le compte de Daniels, vantant ses positions politiques tout en dénigrant son opposant républicain Scott Perry.
Plus inquiétant encore, cette technologie brouille insidieusement les frontières entre le vrai et le faux en se faisant passer pour une interlocutrice bien réelle. Malgré les assurances de transparence de ses concepteurs, ce stratagème visant à tromper l’interlocuteur sur la nature véritable de son interlocuteur constitue une forme de manipulation des perceptions difficilement acceptable.
Certes, on pourrait arguer que le recours à Ashley élargit considérablement la capacité d’interaction de la candidate avec un plus grand nombre d’électeurs. La technologie chatbot est également présentée comme un moyen de mieux cerner les préoccupations des citoyens.
Cependant, les bénéfices supposés de cette innovation ne sauraient justifier les risques majeurs qu’elle présente. L’absence quasi-totale d’encadrement légal et de garde-fous éthiques en matière d’intelligence artificielle appliquée à la politique laisse la porte grande ouverte aux dérives les plus pernicieuses. Rien n’empêche en effet des acteurs mal intentionnés d’utiliser des chatbots pour diffuser à grande échelle de la désinformation électorale sur mesure.
Ce dangereux précédent créé par la candidate Daniels fait donc peser une menace supplémentaire sur des processus démocratiques déjà fragilisés par les infos propagées sur les réseaux sociaux. À l’ère du « deepfake » et des arnaques automatisées, le risque d’érosion de la confiance des citoyens dans le débat public n’a jamais été aussi élevé.
En l’absence de garde-fous crédibles face à ces dérives, nos démocraties fragilisées courent le danger mortel de se transformer en idiocraties, où l’art de tromper et de manipuler les foules primerait sur l’intérêt général. La candidate Daniels et ses soutiens technologiques feraient bien d’y réfléchir à deux fois avant de poursuivre cette hasardeuse expérimentation politique aux conséquences imprévisibles.