La France rurale, ce havre de paix où le facteur connaît chaque habitant par son prénom, où les vaches sont les seules à porter un numéro, et où l’adresse se résume à un charmant nom de lieu-dit. Mais voilà que le gouvernement, dans sa grande sagesse, a décidé de mettre fin à cette douce poésie. La loi 3DS (pour “Dénomination Des Demeures Sauvages”, sans doute) va obliger 1,8 million de Français à troquer leur bucolique “Ferme du Pré Vert” contre un banal “18, rue des Coquelicots”.
Bien sûr, on nous vante les mérites de cette révolution : les secours arriveront plus vite, les colis ne se perdront plus dans la nature, et les habitants cesseront de payer des majorations d’impôts faute d’adresse précise. Mais à quel prix… Celui de l’âme de nos campagnes, sacrifiée sur l’autel de la modernité et de l’efficacité.
Et que dire de ces pauvres citoyens, contraints de refaire tous leurs papiers comme s’ils déménageaient, alors qu’ils n’ont pas bougé d’un pouce ? Quelle joie de faire la queue à la mairie, à la banque et à la Poste pour signaler son changement d’adresse fictif ! Sans parler des numéros farfelus attribués aux maisons isolées : imaginez recevoir vos amis au “2856, route de la Vallée”. Très chaleureux.
Mais rassurons-nous, le gouvernement, dans son infinie bonté, a pensé à tout : pas besoin d’acheter une plaque avec son numéro, les communes jugeront de la “nécessité”. Trop aimable.
Alors adieu, aux doux noms insolites et originaux qui enchantaient nos campagnes. Bienvenue dans l’ère glaciale des rues numérotées et des adresses géolocalisées. La poésie peut aller se rhabiller, il paraît que c’est ça, le progrès. Mais permettez-moi d’en douter et de verser une larme, car au “36, quai des Orfèvres”, on enquête déjà sur le meurtre de l’âme de nos campagnes.
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