Les pénuries de médicaments sont un problème croissant en France. Selon les sources, le nombre de signalements de tensions ou ruptures d’approvisionnement a plus que doublé entre 2021 et 2023, frôlant les 5 000 cette année. Toutes les classes thérapeutiques sont touchées : anti-infectieux, cardiovasculaires, système nerveux, anticancéreux… Cette situation inquiétante s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, une hausse de la demande mondiale face à une offre limitée, avec une concentration de la production en Asie. Ensuite, des défauts de qualité, des retards de production, un morcellement des chaînes d’approvisionnement. Enfin, le vieillissement de la population qui accroît les besoins. Les conséquences sont lourdes.
Près d’un patient sur deux se voit refuser un médicament en pharmacie, provoquant stress et anxiété. Plus grave, des pertes de chance et une aggravation de la maladie, voire des décès, sont constatés. Le travail des soignants est complexifié. Face à cette crise, les réponses politiques tardent et manquent d’ambition. Certes, des stocks obligatoires ont été instaurés en 2021. L’Assemblée Nationale a aussi voté une proposition de loi visant à renforcer les obligations de stockage et les sanctions en cas de rupture. Mais ces mesures ne s’attaquent pas aux racines du problème. Le gouvernement mise plutôt sur une nouvelle “stratégie” reposant sur la bonne volonté des industriels, avec une simple “charte” les engageant à constituer des stocks. Belle naïveté ! Une intervention étatique plus ferme s’impose pour obliger les laboratoires à relocaliser une partie de leur production.
Car la dépendance de la France vis-à-vis des importations extra-européennes, notamment asiatiques, est un facteur déterminant des tensions d’approvisionnement. Sur 80% des principes actifs, 50% viennent de Chine et 30% d’Inde. Une aberration quand on connaît le coût dérisoire de la matière première dans le prix final du médicament. Il est temps que les pouvoirs publics fassent preuve de courage politique.
Que le “quoi qu’il en coûte” sanitaire succède au “quoi qu’il en coûte” économique ! La santé des Français n’a pas de prix. Des moyens considérables doivent être investis pour relocaliser et sécuriser la production de médicaments essentiels. La France ne manque pas d’atouts dans la pharmacie et les biotechnologies. Mais face à la voracité des grands labos américains, l’Etat doit protéger l’innovation hexagonale et garantir l’accès de tous aux thérapies vitales.