Alors que des jurys américains ont récemment condamné Bayer Germany à verser des dommages et intérêts de plusieurs centaines de millions de dollars pour ne pas avoir suffisamment alerté sur les risques cancérigènes de son herbicide Roundup, une bataille législative se prépare autour d’un projet de loi controversé. L’Acte d’Uniformité de l’Étiquetage Agricole vise à restreindre le pouvoir des autorités locales de réguler l’usage des pesticides. Soutenu par plus de 360 organisations agricoles et des lobbying intensifs de Bayer et CropLife America, le projet de loi est présenté comme nécessaire pour assurer la primauté de la science et des faits établis par l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA) sur la réglementation des pesticides jugés sûrs au niveau fédéral.
Cependant, plus de 150 parlementaires américains y voient une menace pour la sécurité publique et un renversement des protections juridiques locales. Des maires et responsables municipaux s’inquiètent également de ne plus pouvoir protéger les populations vulnérables et l’environnement par des restrictions locales sur l’usage de certains pesticides dangereux comme le glyphosate de Roundup.
Si le projet de loi est adopté, l’EPA deviendrait l’unique autorité sur l’étiquetage des pesticides, ce qui rendrait plus difficile les poursuites comme celles ayant conduit aux récentes condamnations de Bayer. Cela remettrait également en cause des jurisprudences autorisant les États à compléter la réglementation fédérale.
Les enjeux sont donc importants. D’un côté, l’industrie arguë que la primauté de la science et d’une réglementation fédérale unifiée est nécessaire. De l’autre, les autorités locales et les associations de santé publique défendent leur droit démocratique à protéger les populations face à des produits chimiques dangereux.
Au-delà des aspects réglementaires, le débat pose des questions fondamentales. Quel équilibre entre pouvoirs locaux et fédéraux ? Quelle confiance accorder aux études scientifiques dans un sens ou dans l’autre ? Les individus et les communautés doivent-ils pouvoir se protéger quand ils estiment que les autorités fédérales ne le font pas assez ?
Les voix des victimes des pesticides, comme les patients atteints de cancers liés selon eux au Roundup, rappellent que derrière les manœuvres politiques et les arguties juridiques, il y a des êtres humains qui subissent les conséquences sanitaires et environnementales de ces produits chimiques.