De tout temps, ces chers bâtisseurs ont eu la fâcheuse tendance à vouloir laisser leur marque dans l’histoire. Et quoi de mieux pour cela que de dresser des plans, ces fameuses représentations graphiques censées immortaliser leur génie créatif ? Les architectes mésopotamiens ne faisaient pas exception à la règle, griffonnant allègrement leurs projets sur des tablettes d’argile. Un support original, il faut bien l’avouer, mais qui a au moins le mérite d’avoir traversé les siècles, contrairement aux bâtiments eux-mêmes, depuis longtemps réduits en poussière.
Car oui, en Mésopotamie, la brique d’argile crue était le matériau de construction par excellence. Pas de pierre, pas de marbre, non, juste de la bonne vieille terre séchée au soleil. De quoi faire pâlir d’envie les Égyptiens et leurs pyramides en calcaire ou les Perses et leurs palais en pierre. Mais qu’importe, les Mésopotamiens avaient de l’ambition et ne reculaient devant rien pour ériger leurs ziggurats, ces tours à étages démesurées dédiées aux dieux. Des milliers d’ouvriers trimant pendant des mois pour façonner des millions de briques : voilà ce qu’il fallait pour contenter les caprices des rois mésopotamiens et leur soif de grandeur.
Et les architectes dans tout ça ? Eh bien, ils dessinaient, encore et encore, sans jamais laisser leur nom à la postérité. Des plans anonymes, voilà tout ce qu’il reste de ces génies méconnus. Mais quels plans ! Tracés à main levée ou à la règle, agrémentés d’annotations en écriture cunéiforme, ils nous révèlent une maîtrise étonnante des techniques cartographiques. Longueurs des murs, dimensions des pièces, épaisseur des parois : tout y est consigné avec une précision digne des meilleurs géomètres. Certains plans vont même jusqu’à indiquer l’orientation du bâtiment par rapport aux points cardinaux, histoire de ne pas construire sa ziggurat à l’envers.
Mais le plus impressionnant reste sans doute ce fameux plan de temple découvert à Sippar, datant du VIe siècle av. J.-C. Un véritable chef-d’œuvre de minutie, où chaque brique est représentée individuellement, formant un décor complexe sur la façade. Un tel souci du détail laisse rêveur et témoigne du savoir-faire de ces architectes oubliés, probablement formés aux mathématiques et à la géométrie.
Alors certes, contrairement à l’Égyptien Imhotep, dont le nom est passé à la postérité pour avoir conçu la pyramide de Djéser, les architectes mésopotamiens sont restés dans l’ombre. Mais leurs plans sur argile, vestiges fragiles d’une époque révolue, nous rappellent que derrière chaque grand monument se cache un esprit visionnaire. Un esprit qui, armé d’un simple bout de terre et d’un bâton, a su donner vie à des rêves de grandeur. Et ça, c’est bien plus précieux que toutes les briques du monde.
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